Le pied et la chaussure.
Moi le vagabond pied nu errant comme une âme en peine, abandonné comme une vieille chaussette, je l’ai vue, là tout à coup m’attirant de son charme fou, solitaire, altière, haute et brillante, reposant sur une marche à l’angle de la rue Bonne Pointure et de l’avenue Pantoufle de Vair, j’en fus ébloui.
Je l’ai d’abord caressée de ma plante, sous mes doigts elle se laisse aller, elle m’appelle et me propose de l’essayer, sûre d’elle, sans même demander mon avis, la coquine avait bien compris que je succombais.
Ça y est je suis en elle, Oh ! oui je suis éblouissant, personne ne peut m’égaler. Comme la chaussure de Cendrillon, elle est faite uniquement pour moi. Je bats le pavé, fier comme Artaban. Yes c’est le pied ! Je n’avais jamais connu une telle sensation…
Ouille ! Mais que se passe t-il ? Le talon aiguille de ma belle se coince entre deux pavés. Oh ! non, j’étais si heureux, je me débats, essaie de toutes mes forces de sortir de ce piège mais en vain, le talon cède. Il ne reste plus que des morceaux de notre belle rencontre. C’est déjà fini, ce bonheur n’aura pas duré, mais je n’en ai aucune amertume, j’ai brillé quelques instants, la belle m’a comblé puis elle s’est brisée, caprice de la vie… Il n’y a pas de route sans pavés comme il n’y a pas de rose sans épines…